SPORT Le sport des réseaux sociaux
Comment les athlètes gèrent-ils leurs réseaux sociaux
5 min
Maya Gabeira
Les doubles championnes du monde de football féminin Ashlyn Harris et Ali Krieger ont récemment évoqué les joies et les pièges des réseaux sociaux au micro de The Edge, tout comme le golfeur Tommy Fleetwood et les surfeurs Kai Lenny et Maya Gabeira. Comment ces différents athlètes de haut niveau gèrent-ils cette relation mutuelle avec les fans, et quel est le bon équilibre entre interagir sur les réseaux sociaux, et laisser de côté son téléphone ?
Contrôle accru
Avant l’ère des réseaux sociaux, la perception des athlètes de la part du public était construite et contrôlée par leurs équipes de relations publiques respectives, et d’une infinité d’observateurs médiatiques, souvent d’une manière susceptible d’échapper aux athlètes eux-mêmes. Avec l’entrée des réseaux sociaux au sein de nos vies quotidiennes, ce n’est pas surprenant que la plupart des athlètes utilisent ces plateformes pour interagir directement avec les fans, sans recourir aux médias traditionnels ou aux intermédiaires marketings.
La plupart du temps, ce paradigme assez récent présente un bénéfice réciproque : pour les fans, cela renforce le plaisir d’être spectateurs. Pour les athlètes, entretenir des relations avec les fans peut représenter une manière de créer des opportunités importantes, de répondre à une presse négative, de mettre en avant des causes qui leur sont chères, ou simplement de partager des expériences positives et encourager des communautés solidaires et autonomes. Le contrôle accru par les athlètes de leur image publique a modifié le paysage médiatique sportif, mais ce niveau de transparence et les communications directes présentent des points positifs et négatifs.
Ali Krieger et Ashlyn Harris
Le plus grand défi
Lorsque le podcast The Edge a reçu le golfeur et ambassadeur TAG Heuer Tommy Fleetwood l’année dernière, il a souligné les opportunités créées par les réseaux sociaux pour les athlètes. « Tout le monde veut optimiser son potentiel en tant que professionnel autant que possible, et les réseaux sociaux sont extrêmement importants. Ils présentent énormément d’avantages ». Il a également évoqué la possible distraction, voire addiction, provoquées par ce flux constant de commentaires non sollicités. « Je pense que c’est le plus grand défi des athlètes aujourd’hui, être capable de faire abstraction de tout cela et ne pas se soucier de ce que disent les gens ».
Les athlètes sont rarement à la recherche de la célébrité, mais c’est une conséquence inévitable du fait d’être le meilleur dans son domaine. De nombreuses équipes et organisations sportives offrent maintenant un soutien psychologique à leurs athlètes afin de les aider à gérer la pression due à l’attention à laquelle ils sont sujets, et les sociétés du web elles-mêmes assument également la responsabilité des conséquences potentiellement négatives des commentaires en ligne : plus tôt cette année, Facebook a lancé une série de mesures et de fonctionnalités conçues spécialement pour protéger les athlètes des critiques. Certains psychologues du sport ont suggéré que des méthodes de gestion des réseaux sociaux devraient être intégrées au sein des programmes d’entraînements sportifs, voire dans le domaine de l’éducation de la petite enfance, un avis que Tommy Fleetwood partage. « C’est une part si importante de notre vie aujourd’hui, et cela devrait être quelque chose que l’on apprend à l’école ».
Tommy Fleetwood
Promouvoir l'émancipation
Les fans ont aujourd’hui besoin de se sentir proches de leurs stars sportives, et pour les personnes issues de groupes démographiques historiquement sous-représentés, se sentir connecté à des athlètes pionniers est un facteur d’émancipation personnelle et peut amorcer un véritable changement progressiste, que ce soit dans le sport et dans la société. Les athlètes dotés d’un sens de responsabilité sociale considèrent souvent cette promotion de l’émancipation comme une part importante de leurs responsabilités en tant que personnalités publiques.
Lorsque le podcast The Edge a récemment reçu les légendes américaines du football Ashlyn Harris et Ali Krieger, la première a évoqué ce sens de la responsabilité. « Une grande partie de notre vie a consisté à montrer notre vulnérabilité sur les réseaux sociaux. Nous sommes très transparentes sur notre vie, car le contact avec les personnes est un aspect important de nous-mêmes ». Le couple a visiblement travaillé afin de créer une prospective équilibrée. « Avec Ali nous avons eu de nombreuses conversations sur comment adopter une approche saine sur les réseaux. C’est une plateforme qui nous permet de faire passer notre message, mais nous devons ensuite la laisser de côté et se consacrer à la vie que nous menons ».
Ali Krieger était du même avis, et a ajouté que pour les personnes soumises à des horaires d’entraînements et de voyages stricts, les réseaux sociaux concernent autant la famille que les fans. « Parfois on se laisse prendre au jeu, et je pense que cela peut être difficile pour certains, mais c’est pour nous très important d’établir des liens avec nos fans, mais aussi avec nos proches. Ils ont la possibilité de suivre ce qui se passe dans nos vies grâce à nos réseaux sociaux, car nous n’avons pas souvent l’occasion de les voir. C’est une des raisons pour lesquelles j’aime vraiment cela ».
La surfeuse de grosses vagues brésilienne et ambassadrice de TAG Heuer Maya Gabeira a également évoqué au micro de The Edge les avantages des réseaux sociaux lorsque le sport professionnel vous emmène à travers le monde. « De nos jours je trouve ça beaucoup plus simple de me trouver à des milliers de kilomètres tout en restant extrêmement proche de ma famille et mes amis. Nous sommes beaucoup plus connectés aujourd’hui, dans le monde entier ». Tout comme Ali Krieger et Ashlyn Harris, Maya Gabeira a trouvé que ces possibilités de se connecter, de faire preuve d’honnêteté et d’ouverture en ligne ont été enrichissantes pour sa carrière, en particulier dans les moments plus difficiles. « Le fait de parler ouvertement de ma santé mentale m’a énormément aidé à accomplir tout ce que j’ai réalisé ».
Apprécier le processus
Kai Lenny, surfeur et ambassadeur de TAG Heuer, a admis que, pour lui, les réseaux sociaux peuvent représenter une menace à la concentration nécessaire afin de rester au sommet, mais comme Tommy Fleetwood il accepte qu’ils représentent un élément incontournable de la réussite sportive moderne. « Dans l’ensemble, j’ai adopté ce qu’il faut pour être un athlète professionnel, et j’aime ça ».
Il ne l’a pas seulement adopté, Kai Lenny est aussi incroyablement généreux. Il partage régulièrement sur Twitter des wipeouts spectaculaires et des vidéos en vue subjective à couper le souffle sur sa chaîne Youtube. « Être un athlète professionnel ce n’est pas seulement surfer sur des vagues. Cela concerne aussi le contenu que l’on produit. En tant qu’athlète, il faut être prêt à s’adapter, et faire des choses qui intéresseront les gens, et avec un peu de chance ils voudront nous voir grandir, et grandir avec nous ».
Kai Lenny a un sens des responsabilités envers ses abonnés, et apprécie la possibilité de leur partager les sensations du surf. « Les gens sont toujours curieux de savoir ce que ça fait de se retrouver au sein d’une vague géante, et j’ai l’opportunité de leur partager cette expérience. C’est amusant de voir leur regard lorsqu’ils découvrent quelque chose qu’ils n’avaient jamais vu avant. Cela leur procure une sorte de joie, ou d’excitation ». Comme il le dit lui-même, il se fait « détruire, pour que vous n’ayez pas à le faire ».
Kai Lenny
L'association parfaite
Maya Gabeira a également évoqué la responsabilité qu’elle ressent à l’égard des personnes la voyant comme une source d’inspiration, mais dans son cas, cela signifiait partager les hauts, et les bas. Après avoir frôlé la mort dans un wipeout en 2013, elle a passé plusieurs mois en convalescence. Malgré la douleur et l’inquiétude, elle s’est sentie obligée d’évoquer ouvertement ce moment difficile avec ses fans ? « C’est ma responsabilité. Je pense qu’il important de partager les épreuves que j’ai traversées. Il y a des leçons à tirer. Et si je peux aider une personne, deux, c’est déjà extraordinaire ».
Maya Gabeira, la vie d’athlète et celle de personnalité publique ne sont pas opposées, mais elles vont de pair. « Je veux juste surfer. C’est ce que j’aime par-dessus tout. Mais en grandissant, j’ai ressenti le besoin d’être plus épanouie, et j’essaye de trouver des manières d’y parvenir à travers différentes causes, différents types de projets. Cela me permet de rester motivée sportivement parlant. Et si je peux continuer à surfer tout en m’exprimant sur des choses qui sont importantes pour moi, et pour le reste du monde, c’est l’association parfaite ».
Attitude positive et équilibrée
Toute personne possédant un compte sur les réseaux sociaux sait à quel point cela peut être chronophage, mais ce n’est pas une surprise si des athlètes comme Ashlyn Harris, Ali Krieger, Tommy Fleetwood ou Kai Lenny ont généralement une attitude positive et équilibrée face à leur grand nombre d’abonnés. Ils reconnaissent bien sûr le potentiel distractif et négatif des réseaux sociaux, mais ils considèrent également ces aspects comme autant de défis à relever à l’avenir, avec une récompense à la clé. Et peut-être plus important encore, ils sont tous passionnés par leurs sports respectifs, et considèrent cette possibilité de partager leurs passions avec les fans qui les soutiennent comme un plaisir et un privilège.
La maîtrise de soi et la résistance psychologique nécessaires afin d’être le meilleur d’entre tous se traduisent dans chaque partie de leur vie, et les athlètes de ce niveau sont conscients que leur capacité à faire abstraction dans les moments cruciaux est primordiale. Chacun d’entre eux a fait le choix de prendre les choses comme elles viennent, en profitant des avantages des réseaux sociaux sans prendre le reste trop sérieusement. Comme le dit Tommy Fleetwood, « avoir un compte Instagram dédié à ses cheveux, c’est plutôt cool, pas vrai ? »
Il faudra le croire sur parole !