HISTOIRES L'histoire d'un nom... Une révélation à Sebring
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Jack était le jeune PDG de l’entreprise horlogère familiale et avait reçu une invitation du Sports Car Club of America (SCCA) à participer aux 12 heures de Sebring, le Grand Prix d’Endurance international de Floride pour la Coupe Alitalia, titre complet de la compétition. Il avait prêté aux organisateurs une douzaine de chronographes de poche Heuer pour servir de matériel de chronométrage officiel et, en grand passionné de course automobile, il a accepté l’invitation sans la moindre hésitation.
Ce Grand Prix d’Endurance a réuni des pilotes de renom tels que Stirling Moss, Graham Hill, Bruce McLaren, Roger Penske et Dan Gurney, tous bien décidés à décrocher la victoire de cette course prestigieuse. À l’arrière sur la ligne de départ, un dénommé Steve McQueen, autre adepte des sports automobiles, était également présent, mais en tant que pilote. Qu’en est-il des voitures de course ? Au début des années 60, performance rimait avec voiture italienne rouge et puissante, un concept pourtant remis en question par une autre marque…
Grand Prix Race, Sebring, Florida, December 1959 - photo by Dave Friedman
Avant de s’embarquer dans cette aventure, Jack était loin de se douter que sa présence à Sebring serait déterminante pour la firme horlogère Heuer. Dans les années 60, la course automobile revêtait un caractère des plus glamours mais pas des moins dangereux, une compétition qui n’avait toutefois pas encore suscité l’intérêt des grands sponsors ni des campagnes publicitaires. Les constructeurs automobiles considéraient cette discipline comme un moyen extrême de tester des solutions techniques plutôt qu’une plate-forme publicitaire mondiale, et rares étaient ceux qui, en dehors de ce secteur, reconnaissaient son potentiel marketing extraordinaire mais inexploité.
Jack en faisait néanmoins partie. Au milieu de la poussière et de l’humidité qui régnaient en maître sur ce circuit unique au cœur de la Floride, il a ressenti comme une sorte de catalyse, un mélange d’éléments en pleine fusion. Le positionnement d’un nouveau chronographe Heuer, jusqu’alors inconnu, occupait toutes ses pensées, sans parler de la notoriété croissante de sa société en raison de sa précision inégalée.
Mais il manquait quelque chose. Tous ces éléments devaient converger vers un seul et même marché accessible, à la fois dynamique, compétitif et prospère (tant sur le plan financier que narratif). La réponse se trouvait, littéralement, sous ses yeux.
« Ce qui m’a le plus impressionné à Sebring, c’est ce contraste entre les pilotes professionnels, les gentlemen drivers amateurs et les spectateurs, qui avaient tout l’air de membres aisés de la SCCA et d’autres organisations de courses automobiles.
« Je me suis alors soudainement rendu compte que ce groupe de passionnés de course automobile représentait pour Heuer une clientèle cible évidente. »
Jack Heuer Président d’Honneur de TAG Heuer
Mais ce n’est pas l’unique révélation de Jack lors de sa visite à Sebring en 1962. Grand amateur de course automobile, il se sentait dans son élément au milieu des paddocks et discutait avec aisance et en toute connaissance de cause avec les autres participants. Il se retrouve rapidement en pleine conversation avec les parents des frères Pedro et Ricardo Rodriguez, pilotes de course mexicains, qui lui relatent l’histoire d’une course dans leur pays, si dangereuse qu’elle a été interdite. Les parents confient à Jack Heuer qu’ils sont contents que leurs jeunes garçons soient nés trop tard pour participer à cette course.
La course automobile qu’ils ont évoquée à un Jack fasciné était la Carrera Panamericana, une épreuve d’endurance humaine et mécanique féroce sur des routes publiques non pavées du Mexique.
Umberto Maglioli, winner of the fifth and final Carrera Panamericana, in a Ferrari 375 Plus
Carrera ? Carrera !
Eurêka ! Il avait trouvé le nom du nouveau chronographe Heuer. À son retour en Suisse, Jack Heuer s’est empressé d’enregistrer le nom « Heuer Carrera » et, en tant qu’actionnaire majoritaire de la société, a pris la décision audacieuse, mais finalement déterminante, que sa prochaine montre s’appellerait Carrera.
« J’ai adoré son côté sexy, mais également ses multiples significations, parmi lesquelles route, course, circuit et carrière. Autant de termes indissociables de la légende Heuer. »
Jack Heuer Président d’Honneur de TAG Heuer
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Lors de la course de Sebring en 1962, un petit bolide argenté tout aussi élégant que performant a défié la puissance de la célèbre voiture rouge jusqu’à la ligne d’arrivée, dans une bataille qui annonçait déjà la suite des événements. Une Porsche 718 RS 60, voiture de sport dotée d’un moteur de petite cylindrée exceptionnel, termine sur le podium, en dépit d’un certain nombre de handicaps présumés : elle est équipée d’un moteur à quatre cylindres, alors que ses rivales disposent de 12 cylindres. Cette petite voiture représentait un véritable danger pour ses concurrents confirmés, et avait même remporté la course de Sebring en 1960.
Le petit moteur à quatre cylindres et quatre arbres à cames de cette redoutable Porsche 718 RS 60 est aujourd’hui considéré comme l’un des exemples les plus extraordinaires d’ingénierie de précision. En effet, la conception minutieuse du mécanisme composé de quatre arbres à cames lui vaut souvent le qualificatif de « montre suisse ».
Les mécaniciens de Porsche l’avaient baptisé « Carrera », car c’est sur la course Carrera Panamericana que le moteur avait évolué et atteint la perfection quelques années auparavant. Tout comme pour Jack Heuer, ce nom n’a pas laissé la firme allemande indifférente, qui deviendra plus tard un symbole légendaire inscrit sur une douzaine de modèles Porsche.
Ainsi, près de soixante ans après que le mot « Carrera » soit devenu synonyme d’ingénierie de précision dans la sphère automobile et horlogère, il est tout à fait approprié de l’associer pour la première fois aux mots « TAG Heuer » et « Porsche » sur une nouvelle gamme de chronographes.
1964 Heuer Carrera 45 Chronograph Ref: 3647