HISTOIRES Gardiens du temps : Hugh Brasher, directeur d'événement du Marathon de Londres

En temps et en heure - discussion avec l'homme derrière l'organisation du Marathon de Londres

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Dans cette série d'interviews, nous partons à la rencontre de gardiens du temps venus de tous horizons – des individus pour qui le temps n'a vraiment pas de prix. Il ne s'agit pas toujours d'ambassadeurs TAG Heuer, mais tous ont un point commun : pour eux, chaque fraction de seconde vaut de l'or. Et pour ne rien gâter, ils ont mille choses passionnantes à raconter : chefs, pilotes, chirurgiens ou encore DJ’s, découvrez comment les meilleurs mesurent, transforment et voyagent dans le temps.

Hugh Brasher - Directeur d'événement au Marathon de Londres

Cette édition de Timekeepers nous plonge au cœur du Marathon de Londres et de son organisation avec Hugh Brasher, directeur d’événement de la course depuis 2013. Athlète admirable doté d’une horloge interne tout aussi formidable, Hugh nous révèle les tenants et aboutissants de l’organisation d’un marathon dans une grande ville. En tant que Partenaire de Chronométrage Officiel du Marathon de Londres depuis 2016, c’est avec fierté que TAG Heuer présente cette interview exclusive.

Vous avez travaillé sur toutes les éditions du Marathon de Londres depuis le tout premier en 1981, à l’exception d’un seul… en voilà une relation de longue date ! Racontez-nous comment l’événement a changé et pris de l’ampleur au fil des années. 

Il a connu une croissance exponentielle. Nous sommes passés de 6 300 coureurs en 1981 à 100 000 inscrits cette année, en comptant les participants aux épreuves physiques et virtuelles. Il s’agit du marathon le plus populaire au monde.

Lors de sa création en 1981, 96 % des coureurs étaient des hommes. La vitesse à laquelle ils couraient était, en moyenne, considérablement plus élevée qu’aujourd’hui. Aujourd’hui, la course accueille une foule de personnes de tous les horizons, qui souhaitent relever un défi de taille pour des raisons qui leur sont propres. Et c’est certainement l’une des choses les plus sensationnelles que ces personnes pourront faire dans leur vie, car 750 000 personnes sont là pour les encourager tout au long de l’épreuve. Si vous mettez votre nom sur votre t-shirt, vous courrez sur une vague de positivité avec une foule acclamant chacun de vos pas.

Les kényanes Vivian Cheruiyot et Mary Keitany en tête de la course élite femmes à Greenwich. Le Virgin Money London Marathon, le 28 avril 2019.

Des coureurs traversent le quartier de Canary Wharf. Le Virgin Money London Marathon, le 28 avril 2019.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre volonté de faire du Marathon de Londres un « symbole de positivité » ? Pourquoi pensez-vous que cette philosophie est importante aujourd’hui ? 

La foule de participants forme une mer d’émotions, de positivité. Un nombre colossal de personnes fondent en larmes sur la ligne d’arrivée, ou lorsqu’elles voient leurs amis et leur famille les soutenir sur le parcours. Aujourd’hui en particulier, dans un monde où nous sommes séparés, je pense que les connexions que nous établissons et le sentiment de communauté que nous cultivons sont d’une importance capitale. Et c’est ce qu’est devenu ce marathon à participation massive. Il a connu une évolution majeure depuis 1981.

Des coureurs à la fin de l'épreuve sur l'avenue du Mall. Le Virgin Money London Marathon, le 28 avril 2019.

Vous appelez le Marathon de Londres « le plus grand marathon du monde ». Qu’est-ce qui le rend spécial ? 

C’est l’une des six étapes des Abbott World Marathon Majors. Ces courses sont toutes formidables et différentes à leur manière. La particularité de celle de Londres, c’est son parcours conçu par John Disley, cofondateur de l’événement avec mon père : un parcours presque inchangé depuis le premier jour, dans une ville qui a beaucoup changé.

La Grande-Bretagne soutient vraiment cet événement. Nous adorons les événements ! Ce marathon est ce que j’appellerais la plus grande « fête de rue » de Grande-Bretagne, avec 50 000 personnes parcourant 42 km en course à pied, pendant que la fête bat son plein.

Et les athlètes d’élite les plus incroyables participent également à ces festivités… On dit même qu’il est plus difficile de gagner le Marathon de Londres que les Jeux Olympiques !

Une vue d'ensemble des coureurs alors qu'ils passent le London Eye lors du Virgin Money London Marathon, le 22 avril 2018.

Parlons de l’année exceptionnelle où vous vous êtes absenté en 2005 : avez-vous vraiment fait le trajet Londres-Le Cap à moto ? Quel périple ! Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans une telle aventure ? 

En 2003, j’ai fait un voyage à moto à travers le monde en 60 jours. J’ai pensé que ce serait une manière fantastique de parcourir le monde. Le temps a toujours été un facteur essentiel à mes yeux. J’étais toujours occupé au travail, et lorsque j’ai vu l’opportunité [en 2005] de me dégager un créneau, j’ai décidé de partir au Cap avec 9 amis. Ce fut une expérience magique. J’adore la moto, c’est une façon incroyable, bien que très rapide, de parcourir le monde.

Vous faites de la moto à niveau compétitif, n’est-ce pas ? 

Oui, je participe à des courses d’endurance et j’ai remporté plusieurs championnats. Il s’agit de courses en équipe, et j’ai d’excellents coéquipiers. C’est ce dont on a tous besoin dans la vie : s’entourer de gens formidables. Je suis de loin le pire pilote de l’équipe. C’est un sport incroyable. Il faut être constant, presque métronomique. C’est agréable de ne penser qu’aux entrées de virage, aux points de corde et aux sorties… rien d’autre ne compte à ce moment.

Revenons un peu en arrière : votre père, qui était meneur d’allure du légendaire Sir Roger Bannister pour le premier mile en moins de 4 minutes, était l’un des cofondateurs du Marathon de Londres. La course à pied est donc une histoire de famille. Que pouvez-vous nous raconter à ce sujet ? Quand avez-vous commencé à courir ? 

Vous avez oublié de mentionner que ma mère était une championne de tennis française ! Mon père était médaillé d’or olympique et, comme vous l’avez dit, il était le meneur d’allure de Sir Roger Bannister à Iffley Road lorsqu’il est passé sous la barrière des 4 minutes. Le sport a fait partie intégrante de mon éducation. En fait, j’ai d’abord été joueur de tennis ; je n’ai commencé à courir qu’à l’âge de 18 ans. On m’a inculqué très tôt l’idée d’être au top de ses propres performances, ce qui implique de s’entourer de grands entraîneurs et de personnes merveilleuses. On m’a appris que les autres peuvent être meilleurs, mais qu’on ne peut pas contrôler cela. Ce que l’on peut contrôler, ce sont nos propres performances. Nutritionnistes, physiothérapeutes ou coachs sportifs : entourez-vous des bonnes personnes. Dans le sport comme au travail, vous en verrez les répercussions positives.

 À quoi ressemble votre dynamique sportive ou d’entraînement ? 

J’ai aujourd’hui un rythme assez calme. Le vélo et la course à pied me permettent de rester en forme. Les bienfaits de l’exercice sur la santé physique et mentale sont de plus en plus reconnus. Le Marathon de Londres de 2017 est devenu le marathon de la santé mentale ; le Duc et la Duchesse de Cambridge et le Prince Harry se sont mobilisés autour d’une campagne intitulée Heads Together. Le marathon marquait le dernier événement du programme. À partir de là, la santé mentale est devenue un sujet de plus en plus important aux yeux de la société.

SAR le Duc de Cambridge, SAR la Duchesse de Cambridge et SAR le Prince Henry de Galles distribuent de l'eau aux coureurs à un stand Buxton au Mile 22. Le Virgin Money London Marathon, le 23 avril 2017.

Comment percevez-vous le temps lorsque vous courez ou faites du vélo ? Que se passe-t-il dans votre esprit ? 

J’ai une assez bonne perception du temps. Quand je m’entraînais en course à pied, je faisais 112 km par semaine. Avec d’autres coureurs, nous réalisions des sessions d’entraînement fractionné et j’étais, pour les autres, celui qui donnait le rythme.

En revanche, lorsque je suis très concentré dans mon activité sportive, le temps peut réellement disparaître. Lorsque je faisais du tennis de compétition, si au milieu du match j’entendais un avion passer au-dessus de ma tête, je savais que mes pensées que je n’étais pas pleinement concentré sur ce que je faisais. Mais parfois, le temps disparaît totalement : vous êtes à 100 % dans l’instant présent. Cela peut être le temps d’une seconde, ou bien deux heures. Quand on court un marathon, il faut tenter de s’évader, laisser son esprit vagabonder. Si vous vous concentrez sur le temps, l’épreuve peut devenir très difficile.

Revenons aux rouages de l’organisation du Marathon de Londres. Quels sont les enjeux et les défis logistiques d’un marathon urbain dans l’une des capitales les plus animées au monde ? Surtout pendant et après une année de pandémie… 

Les gens semblent penser que ce genre d’événement s’organise rapidement, mais en réalité, nous planifions des années à l’avance. Une équipe de personnes incroyables travaille sur le Marathon de Londres et peaufine les moindres détails de son déroulement pour rendre l’expérience absolument phénoménale.

Je parle là d’une année normale, sans pandémie mondiale. Les temps sont récemment devenus très incertains. Nous attendons le mois d’octobre avec impatience et avons envisagé de nombreux scénarios possibles, auxquels nous sommes techniquement préparés. Il faut planifier, tester, puis exécuter. Ces événements n’ont lieu qu’une fois par an, ce qui signifie que vous n’avez qu’une seule chance de réussir.

Les coureurs traversent le Tower Bridge. Le Virgin Money London Marathon, le 28 avril 2019.

Parlez-nous du concept du Virtual London Marathon que vous avez lancé en 2020. Quelle était la vision globale derrière ce projet et quels en ont été les résultats ? 

Nous l’avons lancé l’année dernière en l’annonçant huit semaines avant le jour J, et c’était incroyable. Nous avons établi un record mondial Guinness du nombre de personnes ayant terminé le marathon, soit 37 966. Cette année, 50 000 personnes souhaitent courir ce marathon virtuel, en plus des 50 000 participants qui courront de Greenwich à Westminster.

Cela rend l’événement encore plus inclusif. Lors d’un marathon urbain, l’organisation a la responsabilité de rouvrir les routes et de tout nettoyer derrière son passage. Et en permettant aux gens de courir où qu’ils soient, pas besoin de fermer plus de routes. Cela peut donc encourager les personnes au rythme de course moins soutenu et inciter davantage de gens à se mettre au défi. C’est l’essence de notre vision : inspirer l’activité sportive, pour tous les âges, toutes les catégories démographiques, toutes les capacités. C’est ce qui nous motive et nous passionne.

Vous avez évoqué le temps que cela prend de courir un marathon, et bien sûr, dans une course, le temps et le chronométrage sont fondamentaux. Parlez-nous de la façon dont vous planifiez et gérez cela à l’échelle du marathon. 

Environ 85 à 90 % des participants peuvent viser un certain temps de course, il est donc important d’être précis sur ce point. C’est un élément central de l’événement. Et dans les épreuves d’élite, l’horloge du véhicule de tête est vitale : elle annonce le temps des derniers kilomètres, les temps prévus, les temps écoulés, etc. Pour anticiper tout problème, nous mettons en place une infrastructure importante aux points de chronométrage, qu’elle soit câblée ou qu’elle utilise des réseaux 5G ou 4G. La technologie que nous utilisons garantit la précision du chronométrage et sa compréhension par tous. Le temps et le marathon vont de pair. C’est une partie quelque peu invisible de l’organisation, mais c’est aussi un élément complexe et essentiel.

La kényane Mary Keitany lors de la présentation de la course élite femmes. Le Virgin Money London Marathon, le 23 avril 2017.

C’est parfaitement logique. Et quant à votre propre plan d’entraînement et à votre vie quotidienne, avez-vous des outils, des dispositifs ou des programmes sur lesquels vous comptez pour gérer votre temps ? 

Comme beaucoup de gens aujourd’hui, j’utilise une application* qui chronomètre les distances et comporte un facteur communautaire. Depuis mon plus jeune âge, je baigne dans le défi et la compétition, ils font partie de mon quotidien. D’un point de vue philosophique et pour notre bien-être mental, je pense qu’il est important de se fixer des objectifs, mais aussi d’être flexible.

 

 [* Note du rédacteur : utilisée avec une montre connectée, elle peut constituer une solution idéale pour suivre vos temps et établir vos propres records].

Quelle est la chose que vous attendez le plus concernant le marathon de cette année, considéré comme le plus grand Marathon de Londres jamais organisé ? 

Ce dont j’ai le plus hâte, c’est que nous soyons ensemble, que la communauté soit réunie dans un monde où nous avons été séparés. L’événement s’annonce incroyable, et je pense que ce sera probablement le Marathon de Londres le plus émouvant qu’il y ait jamais eu. L’idée de pouvoir offrir cela au monde, le 3 octobre de cette année, nous remplit de joie.

Les participantes de la course élite femme quittent la ligne de départ à Blackheath. Le Virgin Money London Marathon, le 28 avril 2019.

Quels ont été les marathons les plus émouvants ou les plus mémorables dans votre vie ? 

Il y a eu tant ! Mais c’est certainement celui de 2003 qui restera le plus marquant à mes yeux. Malheureusement, mon père est décédé six semaines avant le jour de la course, et j’ai ressenti le besoin de courir le marathon. À la ligne de départ, la foule a applaudi pendant 30 secondes. Le grand athlète gallois Steve Jones était présent, et j’ai couru les 10 premiers kilomètres avec lui. Ce même jour, Paula Radcliffe a battu le record du monde, qui tenait depuis 19 ans, et cela a eu un impact considérable dans le monde de la course féminine au Royaume-Uni, pratiquement du jour au lendemain.

Ces deux facteurs ont fait de cet événement un moment inoubliable pour moi, mais beaucoup d’autres resteront également gravés dans ma mémoire. À chaque édition, l’humanité nous montre le meilleur d’elle-même.

Merci de nous avoir confié cela. Pour finir, quel conseil donneriez-vous aux marathoniens débutants ? 

Détendez-vous, profitez. Ne vous en faites pas pour les deux ou trois premiers kilomètres. Qu’il y ait trop de monde, que vous n’avanciez pas assez, que vous soyez peut-être en retard sur votre temps, profitez simplement du moment. Allez-y doucement au début et tout ira mieux à l’arrivée. C’est promis ! Mettez votre nom sur votre t-shirt. Ne tentez rien de nouveau pour la première fois, comme changer de petit-déjeuner ou de chaussures de course. Courez avec le sourire, et ce sera incroyable.

TAG Heuer est le Partenaire de Chronométrage Officiel du Marathon de Londres depuis 2016. 

Si vous souhaitez vous entraîner rigoureusement ou chronométrer vos temps pendant le Marathon de Londres ou autres événements sportifs, la TAG Heuer Connected vous aidera à établir et à battre vos propres records !